La Symphonie des oiseaux- Le plus loin de la réalité pour atteindre une plume-
Depuis plusieurs années Fadia Haddad peint des oiseaux.
Elle travaille toujours par séries qu'elle creuse et développe jusqu'à ce que celles-ci s'épuisent d'elle-même.
Mais maintenant, ce sont des oiseaux qui habitent son univers.
Pourquoi?
C'est très simple, l'artiste dit:-"ils peuvent voler" et "ils n'ont pas de frontières".
Fadia Haddad vient du Liban,( Née à Beyrouth, vit et travaille à Paris) ce qui justifie son long discours
cette aspiration à la liberté de mouvements qu'incarnent les oiseaux.
Pour peindre, Fadia pose ses toiles, ses couleurs, ses pinceaux par terre et elle attaque physiquement
son support jusqu'à ce que son tableau quitte le sol en nous imposant d'un seul coup l'oiseau et le
cosmos.
Ce miracle n'est pas instantané et il est parfois obtenu de longue lutte. On le remarque au poids de
certaines toiles gardant le souvenir de maintes reprises. Celles ci sont le fruit d'une quête d'absolu
issue d'une lutte faite de gestes, de pigments en suspension dans un médium aqueux que Fadia peut
aussi bien répandre d'un ample mouvement, caresser d'une brosse large, triturer à l'aide d'un balais ou
griffer encore d'un pinceau fin afin de définir un élément aussi essentiel que le bec de son volatile.
Pour que l'oeuvre passe du sol à la verticale, l'artiste exige d'elle en tout premier lieu ce qu'elle nomme
une "symphonie".
Ce terme musical englobe plusieurs concepts essentiels alliant harmonie colorée, création d'un espace
(en l'occurence ici, le ciel, le cosmos) et une sorte d'atmosphère qui lui est propre, fruit d'un savoir faire
des textures purement pictural. Ces dernières sont infiniment nuancées, consistant en divers éléments
parfois immédiatement perceptibles de loin comme un mouvement, un rythme, une direction, une
onde ou une ligne (pareille a la trace que laissent certains avions dans le ciel).
De près, en revanche, il s'agit plutôt de sensations quasi physiques (Berenson évoquait volontiers les
termes de peinture tactile) où l'oeil saisit des nuances de vapeurs, de courants d'air, des bruines
passagères voire des bulles ou simplement quelque chose de moins clairement définissable puisque
l'espace, comme une peau humaine, semble parfois respirer.
Les oiseaux de Fadia sont solitaires et uniques car on ne les saisit jamais dans leur globalité. On serait
bien en difficulté d'avoir à dire à quel groupe ils appartiennent tout en étant oiseaux comme nous
sommes humains.
Ils entrent, ils sortent, ils passent, nous examinent voire nous inquiètent ponctuellement mais restent
fondamentalement insaisissables et libres.
On aura compris que l'artiste maîtrise comme personne la science de la composition et de la
dynamique. Celle-ci est omniprésente donnant aux oeuvres l'acuité tranchante d'un bris de verre.
Ses oiseaux sur le qui-vive nous enchantent par un plumage lisse ou ébouriffé, fait de sensations
essentiellement tactiles. Des brosses et des pinceaux sont issus des plumages insoupçonnés aux
rythmes parallèles ou en éventail, aux taches ou aux ponctuations ocellées et nacrées.
Parfois l'oiseau semble immobile, nous épiant du coin de l'oeil, mais le plus souvent nous le saisissons
au vol lors d'une approche fugace.
La dynamique spatiale de Fadia Haddad les fait voler et nous confronte à la fugacité des choses mais
aussi à l'importance de l'instant et de son immédiateté existentielle.
Apres la lutte de l'artiste avec la matière afin de faire surgir son univers cosmique, à nous de découvrir
et de prendre le temps d'entrer dans sa symphonie des oiseaux et de partir avec eux dans l'espace, à
tire-d'aile!
Marc Beaulieux- oct-2025